Alors gluten ou sans gluten ?

Le « sans gluten » est devenu en l’espace de quelques années une mode incontournable dans le paysage nutritionnel mondial. Entre les habitudes alimentaires révélées des stars médiatiques, celles des sportifs internationaux, les avancées scientifiques sur le domaine, et les pressions des grands industriels, pas une journée ne passe sans que l’on entende parler de l’alimentation « sans gluten ». D’ailleurs, près de 8% des français déclarent réduire leur consommation de gluten.  Le marché de la nutrition sportive n’est pas en reste avec une multitude de produits estampillés « sans gluten ». Mais qu’est ce qu’un régime « sans gluten » ? On lui prône des bienfaits sur la digestion, l’état de bien être, la vitalité et même la perte de poids, mais qu’en est-il en réalité ? Est-ce un simple effet de mode ou les avantages physiologiques en matière de santé sont-ils réels ? Intolérance, maladie ou simple sensibilité, quels sont les personnes et les sportifs visés par les produits « Gluten-Free ».  Au travers de ce dossier spécial, nous allons tenter de répondre à ces questions. 

Le gluten, qu’est-ce que c’est ? 

Le gluten est une protéine végétale, plus précisément un ensemble de protéines dont la prolamine et la gluténine. Il est contenu dans les grains (dans l’amande) de nombreuses céréales, en particulier le blé, le seigle, l’avoine et l’orge. C’est à partir de ces grains que l’on obtient de la farine qui se compose de 10 à 15% de gluten, le reste étant de l’amidon. Le gluten confère à la farine ses propriétés élastiques.

Dans l’alimentation, on retrouve le gluten dans de nombreux ingrédients courants : pain, pâtes, céréales, farines, gâteaux et toutes sortes de préparations alimentaires. Ses propriétés de rétention d’eau sont notamment très utiles pour les industriels commercialisant des plats préparés.

Intolérance, sensibilité, pathologies : quel rôle joue le gluten ?

De nombreux témoignages, appuyés par certains relais scientifiques controversés, mais également par les messages de l’industrie agro-alimentaire, prêtent au gluten des propriétés néfastes sur l’organisme, occasionnant ballonnements, problèmes de digestion, maux de têtes. Aujourd’hui, ce sont près d’un français sur dix qui chercheraient à réduire leur consommation de gluten suite à la mauvaise image qui lui colle à la peau. En réalité, seuls environ 600 000 français, soit moins d’ 1% de la population de l’Hexagone, souffriraient réellement d’une intolérance au gluten.

Cette intolérance est en fait une pathologie appelée « maladie cœliaque« . Elle nécessite le retrait total du gluten de l’alimentation de la personne intolérante. Il est très important de noter que quelques milligrammes ingérés suffisent pour entraîner des effets indésirables au sein de cette population. Or, de nombreux aliments, préparation et même produits de nutrition sportive, à la lecture de la liste des ingrédients stipulent la mention « trace éventuelle de gluten ». Ces aliments sont donc à bannir pour les personnes souffrant de maladie cœliaque au profit d’ingrédients naturellement sans gluten. Cette mention allergénique ne veut pas pour autant dire que les produits contiennent du gluten mais le législateur impose de mentionner toute trace de contamination croisée pour les fabricants. En d’autres termes, les 99% de la population restantes peuvent parfaitement consommer ces produits sans risquer d’effets indésirables.

Pour les gens souffrant de cette réelle intolérance au gluten, les mécanismes physiologiques suivent les préceptes d’une allergie en générale. Le gluten va venir déclencher une réaction inflammatoire au niveau de la paroi intestinale, entraînant une destruction partielle de celle-ci. Les microvillosités présentes sur cette paroi et dont le rôle est d’absorber les nutriments sont donc atrophiées et ne jouent plus leur rôle d’absorption. Ceci explique notamment de nombreuses carences, en fer (anémie, synonyme de grande fatigue), en calcium (déminéralisation osseuse) chez les personnes souffrant de maladie cœliaque.

Ce faible pourcentage de personnes pathologiques peut néanmoins se tourner vers d’autres céréales pour équilibrer son alimentation. Le maïs, le riz ou encore le quinoa sont des alternatives naturelles sans gluten.

Pour le reste de la population, le gluten n’entraîne aucune toxicité et ne joue aucun rôle sur l’assimilation des autres nutriments. Il n’y a donc aucune contre indication à consommer des produits contenant du gluten pour la majorité d’entre nous.

Cependant, beaucoup affirment mieux digérer, se sentir en meilleure forme en supprimant le gluten de leur alimentation. C’est notamment le cas chez les sportifs d’endurance ou d’ultra endurance, souvent sujets aux troubles gastriques et aux inconforts digestifs lors de l’effort. Cependant à ce jour, on ne connait pas les causes réelles de ce sentiment de mieux être. Aucun mécanisme clair n’a été identifié et validé scientifiquement comme impliquant le gluten dans les processus de douleurs abdominales, maux de ventre ou mauvaise digestion. De nombreuses personnes s’auto-diagnostiquent comme étant hyper-sensibles au gluten mais il s’agirait plutôt d’un effet placebo. Une autre explication est évoquée par les chercheurs : la teneur en gluten de la malbouffe (hamburger, pizzas, sandwichs …). La suppression de ces aliments et leur remplacement pour une alimentation plus équilibrée entraîne bien évidemment une amélioration de l’état de santé général.

Il est donc inutile de se convertir au « sans gluten » si la maladie cœliaque n’a pas été diagnostiquée. Au contraire, la suppression du gluten de l’alimentation soulève par ailleurs des problèmes en termes d’apports nutritionnels.

Le « sans gluten », mauvais élève

Un régime alimentaire équilibré doit respecter une bonne répartition des apports en glucides, lipides et protéines.

– Les recommandations officielles privilégient une part de 40 à 55% de glucides en France, cette fourchette tenant compte du niveau d’activité physique et de la dépense énergétique lié au métier. L’idéal étant bien sur de choisir les bons aliments glucidiques (index glycémique bas) : légumes, fruits, tubercules, produits céréaliers peu transformés.

– Pour les lipides, ils doivent représenter entre 30 et 40% de l’apport énergétique total en sélectionnant les bonnes familles de graisses : environ 10% d’acides gras saturés, la moitié (15 à 20%) d’acides gras monoinsaturés, et les reste en acides gras polyinsaturés (oméga 3 et oméga 6 avec un rapport idéal oméga 6 / oméga 3 proche de 2 à 3).

– Enfin, il est recommandé d’absorber entre 15 et 20% de protéines, avec idéalement la moitié d’origine végétale.

Mais qu’est-ce que le « sans gluten » vient faire dans ces recommandations ? Au premier abord, pas grand chose vous direz vous. Et pourtant, si l’on observe deux produits du commerce identiques, l’un avec gluten, l’autre sans, c’est toute cette répartition qui s’en trouve chamboulée. Comme nous l’évoquions en tout début d’article, le gluten est constitué de protéines, protéines qui, nous venons de le rappeler doivent constituer environ 15% de notre apport énergétique journalier. Or dans les aliments sans gluten, on retrouve parfois 4 à 5 fois moins de protéines que dans les aliments traditionnels. Mais pour qu’un produit « sans gluten » ait un goût et une texture similaire (nous évoquions les propriétés d’élasticité et de viscosité), les fabricants utilisent de nombreux additifs. Il n’est donc pas forcément plus sain de consommer des produits « sans gluten ». Il faut toutefois dissocier les produits naturellement « sans gluten », des produits que l’on a voulu dériver pour les rendre « gluten free », et dans lesquels certains ingrédients à haute densité nutritionnelle ont été remplacé par des ingrédients plus pauvres et souvent moins sains. Plusieurs cas de carences alimentaires ont été révélé par des régimes « sans gluten » trop strictes ces dernières années et notamment chez les sportifs dont le métabolisme est exacerbé à l’effort.

Pour conclure, il est assez difficile de statuer sur le phénomène « sans gluten ». Il apparaît pourtant assez clairement qu’il s’agit d’un mouvement de mode pour la population générale, mouvement dans lequel les industriels se sont engouffrés pour gonfler leurs prix de vente en apposant le logo « gluten free » et entretenir la réputation négative du gluten. A l’heure actuelle, aucune donnée scientifique précise ne permet de relier le gluten aux problèmes digestifs, et notamment chez le sportif. Il est par contre tout a fait admis que les « vrais » intolérants au gluten sont diagnostiqués et doivent le bannir de leur alimentation. Alors attention à l’abus de consommation du « gluten free », entre une moins bonne qualité nutritionnelle et présence excessive d’additifs, la conversion au mouvement « sans gluten » pourrait avoir des effets indésirables bien plus importants que la consommation de gluten elle même.

J.RAOUX, Lhotse Labs Nutrition